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Version 1.02 - Juin 2017

 

Le Vipassana et le cervelet (la « Walking Meditation »)

Ce texte fait partie d'une série d'articles consacrés à la description de la méditation pratiquée dans le Bouddhisme Théravada. Le premier article (présentation générale du Vipassana) est conseillé avant d'aborder cette étude.

Lors de mon premier stage de Vipassana, on me proposait l'exercice suivant: marcher très très très lentement (sur un terrain plat prévu à cet effet) en pensant exclusivement à TOUT ce que cette marche pouvait faire ressentir au corps. Il fallait quantifier et qualifier la pression du sol sur la plante des pieds, la traction exercée sur les orteils, les flexions des genoux ou des chevilles, les contractions des divers muscles des cuisses, des chevilles, du bassin, des pieds...

Il y a, de fait, une quantité incroyable d'informations sensorielles que notre cerveau doit engranger et gérer pour marcher correctement. Les actions de plusieurs dizaines de muscles sont soigneusement coordonnées les unes aux autres depuis le cou jusqu'aux orteils pour que la marche soit fluide, efficiente, harmonieuse... (Les fabricants de robots androïdes le savent, eux qui éprouvent tant de difficultés à faire marcher correctement leurs machines!)

C'est la fonction de la zone cérébelleuse (cervelet) de notre cerveau que de recevoir en première main les informations des nerfs sensibles. Elle peut alors calculer précisément et rapidement les ordres à envoyer aux muscles lors des actions répétitives, avant même que notre esprit ait pu en prendre conscience. Il y a ainsi un gain de temps qui va améliorer la performance... et, surtout, il y a une mise en disponibilité de la conscience pour d'autres activités!

Un des premiers indices du sérieux avec lequel l'exercice est pratiqué, c'est la perte de l'équilibre ressentie par le novice. Sa concentration est souvent interrompue simplement parce qu'il est en passe de tomber!
En regardant ces débutants, je remarquais qu'ils écartaient d'autant plus leurs jambes durant la marche qu'ils semblaient bien se concentrer. (Je soupçonnais même le maître de stage d'évaluer ainsi le sérieux avec lequel ses ouailles se concentraient!) Au fil des jours, avec la pratique assidue de cet exercice méditatif, les jambes du novice allaient se resserrer et sa marche semblait se renormaliser tout en restant très très très lente comme le voulait la consigne.

Il me semble donc que le premier effet de la concentration mentale sur les sensations liées à la marche nous fasse d'abord perdre le contrôle de cette marche: trop de données à gérer! Le cervelet veut bien céder sa place aux zones conscientes du cerveau mais alors il faut assumer! Si les jambes s'écartent, c'est tout simplement pour élargir la surface au sol au-dessus de laquelle le centre de gravité de notre corps peut se déplacer sans que l'équilibre général ne soit mis en péril.

Le petit enfant qui apprend à marcher (et dont le cervelet n'est pas encore très fonctionnel) écarte aussi les jambes ...et que dire du vieillard (au cervelet sclérosé) qui non seulement marchera avec les jambes écartées mais qui élargira plus encore la surface de sécurité au sol par l'usage d'une canne!

Lorsqu'un patient a une tumeur dans le cervelet, un des premiers symptômes pourra aussi être d'écarter les jambes pour garder son équilibre... et si le symptôme n'est pas encore très net, au début du développement de la tumeur, il suffira au neurologue de demander au patient de marcher tout en fermant les yeux pour que le symptôme s'accentue. En fermant les yeux, le patient est privé d'une information sensorielle de suppléance qui l'aidait jusque-là à compenser sa perte d'équilibre par déficience des coordinations cérébelleuses habituelles.

Le cervelet est donc un 'adversaire' du méditant parce qu'il est l'organe des automatismes! Ce que l'exercice de méditation propose, c'est de forcer notre esprit à reprendre en charge par la conscience (autant que faire se peut) cette gestion des informations sensorielles qui s'est automatisée pendant l'enfance. Cet exercice de Vipassana provoque donc volontairement l'effet d'une tumeur dans le cervelet. Il y a véritablement une tentative de "by-pass" de l'organe. Puis, plus tard, le méditant devenant de plus en plus capable de maîtriser les automatismes, il lui restera à rendre les automatismes en se contentant de les observer.

Je dois rappeler ici ce qui a déjà été dit en introduction: en Vipassana, l'ambition est beaucoup plus d'observer les automatismes que de les contrôler; en Yoga par exemple, on demandera parfois de modifier le rythme respiratoire. En Vipassana, si le rythme se modifie c'est qu'on doit encore progresser. Celui qui a déjà essayé de se concentrer sur sa respiration sait que, bien malgré lui, son rythme respiratoire va se modifier. Il faut un peu de pratique pour retrouver le rythme naturel sans déplacer la concentration. Pour la marche, il en va de même...

On comprend sans difficulté l'utilité de l'exercice puisque, ce que veut le Vipassana, c'est une mainmise sur la conscience de toutes nos activités physiques et mentales pour déconstruire plus efficacement ce que Bouddha appelle les illusions. Il nous restait à découvrir la pertinence des moyens utilisés pour déconstruire...


paul yves wery - Chiangmai - Septembre 2009
Version 1.02 - Juin 2017

 

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